Passage
Tandis que les champs reverdissent
L'aube grise tarde à s'allumer
Quel vertige lorsque la neige les recouvrira
Jiri Trnka, illustrateur tchèque (1912-1969), savait rendre la poésie de la nature comme aucun autre. Mon enfance a été bercée de ses images tendres et sensibles. Je chérissais les éditions Gründ qui publiaient les contes d'Andersen, des frères Grimm, les contes de Bohème, la région du monde qui a vu naitre, grandir et mourir l'illustrateur aux beaux yeux clairs. Cet homme, bâti comme un bucheron, capable de rendre la finesse de l'âme humaine dans ses dessins, aura vu sa Tchéquie passer d'une démocratie parlementaire à une emprise de l'Allemagne nazie, puis devenir un satellite de l'URSS. Trnka aura finalement vu se dérouler l'espoir et la déconvenue du Printemps de Prague avant de rendre l'âme. Lorsque je contemple les paysages d'hiver actuels, je pense à lui, à tout le merveilleux qu'il y aurait perçu, aux dessins qu'il en aurait fait.
Pourtant, ce décembre, l'hiver hésitait, la neige disparaissait sous la pluie, sans doute pour mieux nous dire que les changements climatiques ne sont pas une vue de l'esprit. Que faire quand tout change? S'arrêter et regarder autour. S'arrêter et regarder en soi.
À partir du solstice, la folie du Temps des Fêtes a bousculé mon quotidien. La générosité de Benoît qui nous a offert un repas mémorable et le plaisir de se retrouver entre ami.e.s pour marquer le passage de la noirceur à la lumière, de la nuit la plus longue vers la nuit la plus courte, a sonné le départ dans la suite d'invitations, de repas gargantuesques arrosés, d'habits d'apparats et de nuits qui s'étirent.
Dans les familles, parfois, les vieux schémas se répètent. Grincements de dents. Larmes cachées. Les célébrations ne prennent pas toujours l'allure que l'on voudrait même si une certaine forme d'amour les enrobe. Comment rester au centre des choses quand l'ornière nous entraîne ailleurs? Rester témoin devient une tâche titanesque.
La veille du Jour de l'An, j'aime être seule et faire le bilan de mon année. Je repasse dans mon agenda, dans mes photos, dans mes souvenirs et un motif se dessine: l'année qui se termine. Cette année, j'ai profité de la solitude choisie du 31 décembre et je me suis écrit une affirmation personnelle pour donner une intention à cette nouvelle année 2025.
Au matin du premier janvier, je me suis branchée sur Internet, pour une transmission vidéo en direct d'un ashram que j'ai, avec bonheur, beaucoup fréquenté. La Guru, la maître de méditation, nous a enjoint.e.s à rendre notre temps précieux. Il est entre nos mains. J'avais l'impression qu'elle ne s'adressait qu'à moi, au plus essentiel en moi, à cet espace que rien ne peut perturber.
Lors de ces douze jours de Noël, du solstice d'hiver au jour des Rois, lors de ce temps immobile qui invite à l'introspection malgré les fêtes et les bulles, j'espère que vous aurez trouvé cet espace, au coeur de votre coeur, là où l'instant est éternité.
Bonne année 2025 à toutes et à tous!
F, P. (2013). Shiva Nataraja (Lord of the Dance). World History Encyclopedia.
© Michelle Courchesne textes. Photo du flocon: Wix.
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